À quelques mois de la sortie de Mirage, nouvel épisode qui se fait tant désirer, nous avons eu envie de glisser dans l’animus pour revivre l’histoire de cette saga hors du commun. retours vers le passé et détour vers le futur de la franchise.
Assassin’s creed mirage sera le premier titre d’infinity
Loin des effusions de points d’expérience et de quêtes annexes, le prochain Assassin’s Creed, Mirage de son sous-titre, se veut retour aux origines, bascule vers ce premier temps de la franchise aujourd’hui culte de l’éditeur français.
Un environnement moyen-oriental; une seule et unique ville, Bagdad; des mécaniques de jeu écorchées, simplifiées, revendiquant un come-back de cette infiltration première parfois mise de côté depuis…
Il n’en faut pas plus pour s’imaginer Mirage en remake qui ne dirait pas son nom, mirage donc, du tout premier épisode. À moins que ce titre ne renvoie à l’esprit embrumé d’un Basim en proie à des visions asgardiennes (Loki occupe son esprit).
Débuté comme un DLC, gonflé pour tenir le temps réglementaire d’un jeu stand alone, Assassin’s Creed Mirage sera aussi le premier titre d’Infinity, plateforme encore énigmatique réunissant tous les titres et expériences à venir (et précédentes ?) de la franchise. Un pas dans le passé, un pas dans le futur, Mirage se fait donc épisode de transition comme d’autres entre deux phases, deux générations de la série.
L’occasion toute trouvée pour revenir sur les mutations de la franchise, avec certains de ses créateurs : Aymar Azaizia, actuellement directeur du transmédia et du développement commercial, et Jean Guesdon, ex-directeur créatif et directeur de la marque, qui ont tous deux travaillé sur la plupart des épisodes.
En attendant qu’Ubisoft n’arrache enfin les brumes et illusions qui entourent ce volet et cette plateforme, c’est à un voyage dans le temps, vers un passé déjà inscrit, puis un futur encore à écrire, que nous vous invitons dans les sections qui suivent.
Un autre prince
L’histoire d’Assassin’s Creed débute en janvier 2004 à Montréal, quelques semaines après la sortie de Prince of Persia: Les Sables du Temps, formidable, mais contrarié, complexe à développer, reboot de l’œuvre mythique de Jordan Mechner.
Face au succès inattendu du jeu, Ubisoft a déjà des plans pour une suite directe, mais veut voir plus loin. Une lourde mission est alors confiée à son directeur créatif, Patrice Désilets, et ses équipes, celle d’imaginer un Prince of Persia next gen qui doit «redéfinir le genre action-aventure», ni plus, ni moins.
Patrice Désilets a une première intuition: le jeu vidéo va vers le réalisme. Plutôt qu’un conte fantastique avec un prince manipulant le temps, il se tourne vers l’Histoire, et déniche l’inspiration dans un livre sur les sociétés secrètes acheté quand il était étudiant. y découvre l’existence d’une secte qui agit dans l’ombre pour exécuter ses opposants.
Basés aux confins de l’actuel Iran (ancienne Perse), ils étaient surnommés les Haschichins (qui donnera le mot «assassin»).
La lecture du roman Alamut de Vladimir Bartol, qui en dévoile plus sur ce groupuscule, finit de dessiner les contours narratifs de son aventure. Le héros pourrait être un assassin, bras droit du mentor de cette secte… un nouveau Prince de Perse, en somme.
Plutôt qu’un héros perse maniant le temps, le prince sera le bras droit du mentor d’une secte orientale.
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Un monde ouvert
Au cours du développement des Sables du Temps, Patrice Désilets n’a pu assouvir une de ses envies, a savoir créer de vastes zones de jeu avec la présence d’une foule. Pour explorer ces dernières, il songe à cette incroyable sensation de liberté que le joueur ressent au volant d’une voiture dans GTA; il voudrait que rien ne puisse arrêter son Assassin.
Tout se combine peu à peu pour esquisser un gameplay novateur mêlant une exploration libre inspirée par le parkour, des combats à l’épée très chorégraphiés et ce que l’équipe appelle «l’infiltration sociale », cette idée d’utiliser la foule pour se dissimuler. Le projet est ambitieux, démesuré même. et le développement tumultueux et complexe.
Les équipes doivent concevoir le moteur et tous les nouveaux outils pour créer le jeu, tout en travaillant sur les mécanismes de gameplay et une maniabilité complètement inédite.
Conséquences assez prévisibles, le développement connaît des retards à répétition jusqu’à un ultimatum de la direction : le jeu doit être prêt pour Noël 2007.
Crunch. Le premier Assassin’s Creed sort amputé de certaines idées et de nombreuses missions. Il est alors critiqué pour la répétitivité de sa progression, très ouverte certes, mais reposant sur une poignée de boucles de gameplay trop basiques. La vision d’un jeu d’aventure en open world avec une liberté d’action aussi vaste et une réalisation bluffante font néanmoins mouche. Succès au rendez-vous, Ubisoft programme une suite quelques semaines après la sortie du titre.
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Renaissance
Malgré une sortie précipitée du jeu, l’équipe a entre les mains une base extrêmement solide sur laquelle se reposer pour bâtir cette fois-ci un vrai jeu vidéo. « En fait, explique Jean Guesdon, le point de départ, c’était vraiment Corey May, le scénariste, et Patrice, directeur créatif.
Ils sont partis sur une idée de trilogie, avec un arc global lié à Desmond, mais sans jamais entrer dans les détails. Cela introduit une notion épisodique avec des volets qui se suivent. » Magie de l’Animus, ce deuxième épisode peut se dérouler à n’importe quelle époque.
L’Italie de la Renaissance, une idée de Corey May, séduit immédiatement: Désilets adore cette période et elle n’a jamais été vraiment traitée dans un jeu vidéo. Assassin’s Creed Il étoffe son gameplay avec de nouveaux accessoires et de nouvelles interactions avec la foule.
Mais on le retient surtout pour la richesse de son aventure et sa structure qui servira de matrice pour les suites. Plus que jamais, Ubisoft ne compte pas en rester là.
Assassin’s Creed : Plus de projets
Décision est prise d’annualiser la franchise. Toute une machinerie se met alors en place avec différentes équipes travaillant séparément pour se relayer et assurer une continuité dans le rythme des sorties: les projets, indépendants, s’entrecroisent, créent un constant va-et-vient créatif.
Tandis que l’équipe rodée d’Assassin’s Creed Il décide de transformer un DLC sur Rome en jeu à part entière dès l’année suivante, une autre est constituée pour ébaucher le troisième épisode, prochaine grosse évolution de la saga.
Mais toujours avec Desmond comme lien pour l’époque actuelle: «C’était justement cette vision épisodique avec Desmond dans le temps présent qui a permis à la franchise d’être cohérente sur tous ces opus, reprend Jean Guesdon, justifiant parfaitement le fait d’aller dans des époques différentes, de jouer des ancêtres différents. Il y avait ce fil rouge du temps présent. C’est vraiment la première étape a qui a permis de solidifier l’univers. Et la franchise.
Une fois Brotherhood sorti, l’équipe enchaîne sur un projet d’envergure: imaginer l’Assassin’s Creed next gen qui deviendra Unity. Une troisième équipe se lance sur le développement d’une suite à Brotherhood pour assurer la présence d’un jeu pour Noël 2011. «C’était la course aux idées à injecter dans chaque épisode», explique Aymar Azaïzia.
Aux manettes, pratiquement tous des débutants et ils ont à peine dix mois pour créer un jeu complet, Revelations. Pas étonnant, dans ces conditions, que ce troisième épisode des aventures d’Ezio ait à ce point des relents de copiés-collés… même si chaque volet cherche à intégrer de nouvelles mécaniques pour faire vivre la franchise. «Il y avait un réel besoin, notamment sur la trilogie Ezio, d’amener quand même un peu de fraîcheur à chaque fois, explique Guesdon.
Ezio a marqué la franchise. Au début d’ACIl, le joueur le fait littéralement vivre, on suit sa naissance, on fait bouger ses membres de bébé. Puis on assiste à son décès. On a couvert sa vie comme peu de héros et d’héroïnes de jeux vidéo. Avec un jeu par an, il faut avoir des choses à raconter. »
Révolution?
Le premier vrai changement pour la série arrive l’année suivante, en 2012, avec Assassin’s Creed III. Appuyé sur l’AnvilNext, nouvelle version du moteur, cet épisode propose un gameplay plus organique, ainsi qu’une aventure orientée action et grand spectacle en pleine Révolution américaine.
Il est aussi remarquable pour une de ces nouveautés: un vaste open world, Frontière, qui, pour la première fois, met en avant l’exploration d’un immense territoire inconnu. Hélas, ce troisième volet sort dans la précipitation et est terni par un manque de finition et une construction narrative qui ne convainc pas toujours.
Écueil que corrige Black Flag, une suite qui n’aurait pourtant jamais dû voir le jour, tout du moins pas sous cette forme. Enlisé dans un développement chaotique, Unity ne sera jamais prêt pour 2013. Ubisoft décide donc de transformer à nouveau un DLC en jeu à part entière. Assassin’s Creed III avait fait forte impression par ses phases navales qu’une extension en trois volets devait approfondir.
Ce projet Golden Age deviendra finalement Black Flag par l’équipe de Revelations avec à sa tête Jean Guesdon, tardif coordinateur de production sur l’épisode originel, puis game designer sur sa suite avant de devenir responsable du contenu de la marque Son idée: immerger non pas tant dans une époque que dans un rôle, devenir un Pirate! «Mais alors, on est quoi, l’assassin? se questionne Guesdon. On est un pirate ? Comment ça peut marcher? À ce moment-là, j’ai passé beaucoup de temps à essayer d’expliquer.
La marque était riche de toutes ces années de consolidation mais sur quoi repose-t-elle? Quelles sont les choses les plus importantes? L’important, ça a été de reconnaître pour nous-mêmes, développeurs, que Edward était avant tout un pirate. Autrement il y aurait eu une trop grande déconnexion entre l’avatar, l’histoire qu’on raconte et les actions qu’on demande aux joueurs. ».
Nouveau Cap
Jean Guesdon fait pendre un nouveau cap à la franchise: l’open world massif. Bien que son gameplay soit très similaire à Black Flag révolutionne la série par son game design, élargissant l’aire de jeu pour mettre l’exploration au cœur de l’expérience et amenant un liant, des bases de RPG qui créent une logique de progression et d’amélioration du second personnage du jeu, le Jackdaw, notre navire.
Autre changement, celui de l’époque. Terminé Desmond. «Le conflit Templiers contre Assassins qui dure et qui traverse les époques jusqu’à aujourd’hui, ça devenait très limitant, soutient Jean Guesdon. Moi, j’étais au niveau de la marque, il y en avait qui disaient que la franchise devait s’arrêter après la fin du II/»… et son cataclysme. Oui, mais quoi raconter alors? Un futur improbable? L’équipe et la franchise font machine arrière et s’intéressent à Abstergo, depuis l’intérieur.
Dès l’année suivante, Unity est enfin prêt et semble venir contredire l’orientation de Black Flag en ramenant la série vers ses origines profondes : un cadre historique très fort, une zone urbaine dense et une forte emphase sur l’infiltration.
Mais les revirements créatifs et d’importants accrocs techniques entachent la sortie d’un titre qui avait tout pour devenir l’un des meilleurs Assassin’s Creed de l’histoire. « Ce qui a changé, poursuit Aymar Azaïzia, c’est qu’on a vu l’intérêt de donner les clés aux directeurs créatifs pour leur permettre d’exprimer quelque chose et de faire leur version d’Assassin, et pas notre version d’Assassin très formalisée, ce qui donne des jeux avec des tonalités très différentes.»
Une nouvelle fois, le paradoxe du chevauchement des développements se fait sentir. Tandis qu’Unity se voit rapidement décliné en version londonienne par Ubisoft Québec qui y injecte maladroitement ses envies contradictoires d’action et de fun, Jean Guesdon et ses équipes réfléchissent déjà à ce que va devenir la saga et, fort des avancées réalisées par Black Flag, ils vont littéralement la redéfinir.
L’ère RPG
En 2017, Assassin’s Creed connaît son plus gros bouleversement avec un opus Origins qui immerge le joueur en pleine Égypte de la fin des pharaons: «L’Egypte, on avait envie de faire cet opus depuis plus de 10 ans, rappelle Aymar Azaïzia.
Mais comment bien le faire alors qu’on était à l’époque cantonné aux villes ? Ce n’était pas une approche évidente. Pour l’Egypte, on voulait des déserts, des pyramides, ne pas être restreint à des villes comme Memphis ou Alexandrie. Quand les Xbox One et PS4 sont arrivées, on a pu profiter du gain de puissance pour non plus proposer des villes mais des pays, des régions ou des zones immenses.
Et ça, ça a permis effectivement de passer à autre chose. » Ubià soft lorgne alors The Witcher 3 et de Far Cry, selon Azaïzia. Mais en y regardant de plus près, Origins se fait suite logique, «organique» soutient Guesdon, de Black Flag.
L’Égypte est notamment pensée comme un archipel avec des villes, villages et bastions séparés par des déserts et des zones naturelles. Le héros, lui, gagne en compétences comme le Jackdaw à l’époque.
Initialement, il devait d’ailleurs avoir son « Jackdaw»: un char à personnaliser. Cela ne fonctionnait pas bien et c’est donc l’avatar qui devint l’élément à améliorer dans le jeu via un système RPG amené discrètement par Unity. Jean Guesdon s’en souvient: «On s’est demandé ce que ferait l’équipe suivante si on mettait tous nos efforts pour développer un système RPG sur un véhicule. Il fallait que le système final soit sur le personnage pour qu’il puisse être repris ensuite.
Le chariot, c’était trop contraignant.» Oui, parce que chez Ubisoft, rien ne se perd, tout se transforme. «L’Egypte de Cléopâtre est très gréco-romaine; l’équipe de Québec a pu en reprendre des assets pour Odyssey, et même pour Valhalla pour les camps romains » et les ruines, etc. «On essaie de mutualiser le maximum d’éléments », clôt Guesdon.
Assassin’s Creed Aujourd’hui
Pour beaucoup de monde, « Ubisoft. c’est le créateur d’Assassin’s Creed. explique Azaïzia. On est littéralement lié, même si on a un socle de jeux et de licences énorme, ça reste la plus importante, celle qui est la plus exploitée depuis plus longtemps sur d’autres médiums, en transmédia, en partenariat. Mais on a décidé d’amorcer ce que nous avons appelé notre troisième phase.
On a eu une phase classique des premiers jeux Assassin’s Creed. La deuxième phase, ça a été le reboot avec Origins, et là, on entre dans notre troisième phase avec les annonces qu’on a faites.
Infinity, Red, Hexe, c’est la suite, des projets confirmés sur lesquels on travaille, avec énormément de partenariats.» «Assassin est une franchise qui est souple.
En tout cas, on essaie de définir ce qu ‘est son ADN et, comme beaucoup de marques, on a à cœur de le faire évoluer.
On a assisté récemment à la sortie du remake de Resident Evil 4. C’est exactement la même chose. Il y a eu des phases pivots dans Resident Evil, je peux clairement les identifier, celle « 1, 2, 3 », la « 4, 5, 6 » et maintenant la « 7, 8 » qui prend encore une autre direction. Le propre des grandes licences, comme Final Fantasy, c’est aussi de savoir se remettre en cause, de savoir évoluer, d’être capables de proposer autre chose.»
D’ailleurs, «quand tu demandes aux joueurs leur épisode préféré, tu n’as jamais la même réponse, ce qui montre qu’on est capable de proposer des expériences très différentes qui vont résonner différemment chez les joueurs.».
Vers l’infini ?
Le futur, lui, se dessine autour d’Infinity, une plateforme regroupant toutes les expériences Assassin’s Creed à venir : Mirage, Red, Hexe… Mais c’est dans le passé que cette idée s’est construite.
Avec Révélations, son mode multijoueur, puis le segment contemporain de Black Flag et son Projet Héritage. On était tôt dans l’architecture technique et réseau, reprend Guesdon. Il y avait cette ambition d’avoir cette marque où tout serait connecté. Ça correspond aussi au début des produits dérivés. On pense à tout ça depuis 2011-2012… » «Infinity, poursuit Azaizia, il faut le voir comme un méga hub qui sera en fait le portail de la franchise Assassin.
C’est un énorme travail de synchronisation pour l’équipe d’Infinity qui est à Montréal parce qu’il faut être capable d’encadrer et d’entrer les différents projets dans Infinity. Les autres projets, eux, justement, pour pouvoir prendre des risques, continuent de travailler en indépendance comme on le faisait avant.
C’est-à-dire que Red est un jeu qui suit sa ligne de conduite comme Mirage, des jeux au développement en parallèle, le tout évidemment chapeauté par un directeur de marque, MarcAlexis Côté, et son équipe. Moi, j’interviens très souvent sur la partie narrative, d’autres sur le marketing. On s’assure de suivre l’ensemble de ces projets, mais chacun à son producteur, sa production organisée.
Notre chance, c’est d’avoir réalisé des projets tellement monstrueux en termes de taille, de scope et d’ambition chez Ubisoft qu’on a l’habitude de gérer. » Oui, mais il faudra attendre, les jeux d’Infinity n’étant prévus de sortir qu’un par un, avec Mirage en héraut de cette troisième phase, et comme rappel des tout premiers temps de la franchise. La fin, et le début en somme.